La Peinture d'Ansy Dérose
par Paulette Poujol Oriol |
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Sitôt que le nom d’Ansy Dérose est prononcé, la majorité des auditeurs pense au magnifique chanteur à l’irrésistible présence scénique, au timbre chaleureux qui vous remuait un auditoire jusqu’aux entrailles, à la poésie des paroles et des chansons qui lançaient tous azimuts leur message d’amour.
Amour pour sa terre natale, brûlée et déchirée; amour pour Yole, sa compagne adorée; amour pour l’humanité entière dont il était une parcelle vibrante «poreuse à tous les souffles du monde !»
Pourtant, Ansy, artiste complet, génial artisan, était aussi, par toutes ses fibres, un peintre, un grand dessinateur, un coloriste ébloui, et la peinture était une autre de ses voies, un chemin royal par lequel il accédait à cet Empyrée des artistes où il prend aujourd’hui son repos parmi les ombres qui lui furent chères. |
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La peinture
d'Ansy Dérose par:
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Voie royale, avons-nous dit, voie que le grand artiste disparu voulut retrouver dans son dernier parcours car, sentant venir la grande ombre qui enveloppe le dernier passage, Ansy se tourna de nouveau vers la peinture, lui demandant ses dernières vibrations et ses derniers bonheurs.
Voix aussi que cette peinture, car elle se fait entendre à travers les toiles que nous a laissées Ansy et que nous retrouvons dans la rétrospective présentée par le Musée d’Art Haïtien du Collège St-Pierre.
Tout d’abord, cet autoportrait, couleur sépia dont l’intense regard questionne le spectateur. Regard presque insoutenable qui pose au départ les questions essentielles: Qui es-tu, toi qui me regardes?
Qu’as-tu fait de ta vie? Où vas-tu? Ce regard d’Ansy pénètre les zones inexplorées de la conscience. C’est le regard d’un homme dont toute la quête s’est effectuée dans le sens d’un plus loin, d’un plus haut, d’un plus grand, d’un meilleur, d’un ailleurs.
Il nous est difficile de circonscrire un tel artiste dans une thématique globale, car si Ansy était un Etre de Lumière, son grand rire éclatant était comme une giclée de soleil dans une réunion. Il la manie avec prudence, cette lumière, et c’est presqu’avec réserve qu’il éclaire ses personnages parfois très nets comme dans ce portrait d’homme au peignoir, ou dans ce travailleur endormi dont les traits affaissés disent tout le malheur du monde et dont les yeux clos, sans lumière, nous regardent pourtant et nous interrogent. Une femme esquisse un sourire retenu sous un chapeau de paille d’où s’échappent des mèches folles auréolant une moue énigmatique que l’on devine pourtant, malgré la sobriété du trait. Incliné sur un cou étiré en longueur, un homme, les yeux toujours clos, nous invite, Christ ou mendiant, à nous pencher sur les misères du monde qui nous entoure; plus loin, un adolescent pleure sur un avenir qu’il entrevoit sombre et bouché, alors qu’une belle tête de femme, aux traits appuyés à la Rouault, porte sur sa poitrine une croix dont on pressent le poids. D’autres yeux nous fixent encore si intensément que nous ne pouvons en soutenir l’éclat: le garçon en rouge au regard implacable ne pardonnera pas à son destin. Un autre est pensif; la dame en blanc, bien droite sur sa chaise, porte sa croix au beau milieu de sa poitrine. Tout en elle dit la femme vaillante, pétrie au combat quotidien. Croyant, Dérose l’était, et profondément.
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