Les Productions Yole Dérose, un modèle de professionnalisme
Le Nouvelliste Publié le : 01 avril 2014
Haïti Cœur de femme est maintenant à sa troisième représentation. Pour chacune d’elles, le spectateur ne se lasse pas. Il lui reste un goût de renouveau et de recherche esthétique.

Déjà à l’époque où elle formait un formidable duo avec Ansy, Yole Dérose avait pour habitude de gratifier son public de spectacles époustouflants et inédits. Le couple n’en tenait qu’un sur toute l’année et celui-ci était toujours considéré comme le show qu’il ne fallait pas rater. Le Festival de la jeunesse qu’Ansy et elle avaient organisé en 1986 au stade Sylvio Cator, qui révèla des grands noms comme Beethova Obas ou Emeline Michel, reste, aujourd’hui encore, un événement mémorable.

Lors du retour en force de Yole sur le devant de la scène, sa production « Haïti, terre de feu » a été une véritable révélation. Du moins, pour ceux qui ne sont habitués qu’au manque de sérieux de certains producteurs d’événements. Pour les autres, cette nouvelle exhibition s’inscrivait en tête de gondole dans la lignée des superproductions qui n’ont pas manqué de suivre depuis. Clarens Renois, journaliste et acteur, qui a collaboré à maintes reprises avec les productions Yole Dérose, dit d’ailleurs de la chanteuse : « Il n’y a pas plus professionnel que cette femme. »

Pour la dernière représentation d’Haïti Cœur de femme le 22 mars écoulé, Yole et son staff ont mis autant d’ardeur sinon davantage que lors du premier show en 2012. « Les filles ont commencé les répétitions trois mois à l’avance, révèle Yole. Et suivant leurs disponibilités, elles devaient répéter jusqu'à trois fois durant la semaine. » Ne s’arrêtant pas là, la productrice engage Nicky Christ, professeur de techniques vocales, pour travailler avec ses chanteuses. James Germain, comme Daniel Marcelin avant lui, prête main-forte pour des techniques d’expression corporelle.

« Il a toujours été clair pour moi qu’un public qui se déplace doit en avoir pour son compte, spécifie la chanteuse reconvertie en productrice avertie. Les chanteuses ont déjà le talent, mais, pour présenter un spectacle de qualité, il me fallait mettre tous les atouts de mon côté.» Et pas des moindres ! Fabrice Rouzier en personne dirige l’orchestre qui accompagne le groupe.

Aussi, la designer Madeline Ledan a créé des costumes uniquement pour Haïti Cœur de femme. C’est le cas pour chaque spectacle, puisqu’en réalité, il s’agit à chaque fois de présentations différentes. « Madeline, qui est aussi ma sœur, doit souvent tirer la sonnette d’alarme, lâche Yole dans un franc rire. Parce que quand je conçois une production, je me mets à rêver de choses parfois impossibles à réaliser. Que ce soit pour les costumes ou pour le décor. C’est pour cela que mes spectacles sont toujours très lourds à porter. »

Le même cas de figure est à considérer pour les décors qui constituent toujours une belle attraction pour le public. « Avec ce que cela engrange comme coût, je n’ai pas toujours les moyens de faire ce que je voudrais en réalité, ponctue la productrice. Déjà que les sponsors ne se bousculent pas à la porte… Je me vois souvent dans l’obligation de rabattre mes objectifs. Dans ces conditions, je travaille sur la conception du décor, ensuite je passe ma commande. Ils sont donc créés spécifiquement pour les besoins du show et ne sont que rarement réutilisés. »

Si une sonorisation de qualité reste le problème majeur lors des grands shows dans la capitale et ses périphéries, Yole, elle, semble y avoir trouvé un modus operandi. « Mon grand ami et véritable mécène, René Max Auguste, est le principal supporteur de mes projets, souligne Yole Dérose. Il se charge généralement de la sonorisation. C’est un perfectionniste et c’est probablement pour cela qu’il s’assure qu’Haïti Cœur de femme ait le meilleur. Je ne peux que l’en remercier. »
Pour ainsi dire, les Productions Yole Dérose prévoient tout. Même le goûter qui doit venir après la clôture des prestations. Tout ce qui n’entre pas dans leur corde est sous-traité, pour ne rien laisser au hasard.

En 2004, Haïti terre de feu, autre spectacle des Productions Yole Dérose, avait bénéficié des compétences de Daniel Marcelin (comédien), de Jean René Delsoin (chorégraphe), d’Henri Célestin (éclairagiste), ou encore de Georges Michel, de Ricardo Lefèvre et de Réginald Lubin. En 2014, dix années après, ce même professionnalisme a permis au public d’El Rancho de jouir de cette œuvre magnifique qu’est Haïti Cœur de femme. Comme quoi, certaines structures arrivent encore à garder leur standing.

Péguy F. C. Pierre